23/01/2010
"Les animaux domestiques"
"Les animaux domestiques" de jean Lecointre, aux éditions Thierry Magnier
Jean Lecointre est un surdoué du photo-montage et du roman-photo. Son album "Les animaux domestiques" est une pure merveille inclassable. Utilisant des images délicieusement surannées des années cinquante, Lecointre nous fait basculer dans un monde étrange où les chiens sont des majordomes qui s'oublient face au premier lampadaire venu et où les papillons de nuit désabusés ont des airs de Scott Fitzgerald. Dans un univers bourgeois décadent dont le décor fait un peu penser à "Mon oncle" de Jacques Tati et l'ambiance à "La règle du jeu" de jean Renoir, on assiste au choc de l'animalité innocente avec les convenances les plus pointilleuses. Chaque page est touchante de cruauté, mais aussi, et c'est là l'exploit, d'humanité, car ces animaux qui dérangent finissent par triompher des habitudes et de l'ennui.
Un magnifique album (roman-photo ?) dont l'atmosphère vous hantera longtemps, et qui peut être conseillé aux enfants comme aux adultes.
23:33 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean lecointre, les animaux domestiques
05/11/2009
Treizième avenir de
Treizième avenir, de Sébastien Joanniez, aux éditions SARBACANE.
La collection eXprim’ continue de proposer aux adolescents des romans écrit par des auteurs au sang chaud. Avec « Treizième avenir », on rentre dans la tête d’un adolescent qui laisse les situations croiser ou accompagner ses désirs sans oser intervenir de façon décisive, s’en remettant à la loi d’attraction des corps, qui tarde à se vérifier. Les ratages accentuent son mal être, l’inexpérience et la tension d’une vie sans soupape le poussent au bord du dérapage, du coup de folie, de la déprime, jusqu’à cette première fois libératrice. Et le coeur prend sa voilure, on quitte la terre et le terre-à-terre d’un quotidien sans surprise; l’amour est là, tout bête qui fait que tout prend un sens et qu’un but est pressenti qui balaie toutes les impasses de la vie.
Le style intuitif et sans fioriture décrit à merveille les tourments et la façon d’être d’un certain type d’adolescent… ou d’un certain moment de l’adolescence ?
23:14 Publié dans Critiques romans | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : treiziième avenir, sébastien joanniez, sarbacane
27/06/2009
Les nouveaux Victor Hugo
Un de mes poèmes a été sélectionné dans le recueil collectif "Les nouveaux Victor Hugo", tiré à 1000 exemplaires et distribué gratuitement dans les librairies du village du livre de Fontenoy-la-Joute.
Remise des prix, dimanche 28 juin 2009 à 11 h, galerie Daniel Mengotti.
(Extrait : Le jardinier
La mauvaise herbe et la chenille
Vous défigurent un printemps;
Un jardinier passait son temps
Courbé sous le soleil qui brille.)
23:27 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : les nouveaux victor hugo
20/06/2009
Roland Grunberg, dans les méandres du jazz
Les gravures de Roland Grunberg (artiste de Nancy) sont tout simplement magnifiques. Son style, reconnaissable entre tous et inimitable, lui a permis de littéralement donner vie à une magnifique série de musiciens de jazz (mais le reste de son travail est tout aussi intéressant). À suivre les volutes qui parcourent ces visages transcendés, on entendrait presque la musique. L'artiste (que Cocteau avait salué en son temps) est toujours en activité et ses oeuvres numérotées et signées sont à vendre, en passant par lui, à un prix "d'ami"... Son site : http://roland.grunberg.free.fr/
Ci-contre : Le compositeur polonais Tomasz Stanko
22:36 Publié dans Liens malins | Lien permanent | Commentaires (0)
23/04/2009
Les gestes de la ferme (Imagier photo)
Un imagier photo pour jeunes enfants sur les travaux de la ferme et les gestes éternels propres à cet univers. Nicolette HUMBERT, photographe humaniste, a créé un livre original entre documentaire et fiction poétique.
Le livre sur le site de la Fnac :
http://livre.fnac.com/a2529466/Nicolette-Humbert-Les-gest...
Le blog de l'auteur :
http://nicolettehumbert.hautetfort.com/
(Les gestes de la ferme, 2009, éditions La Joie de Lire.)
23:28 Publié dans Critiques albums jeunesse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : les gestes de la ferme, nicolette humbert, la joie de lire
22/03/2009
"Barry fait son cirque"
Au mois de juin 2009 est paru dans Mes Premiers J'Aime Lire chez Bayard-Presse une histoire intitulée "Barry fait son cirque" (auteur : Didier Zanon, illustrateur : Aurélien Débat).
On a bossé en parfaite symbiose avec Bayard et le résultat est vraiment à la hauteur de mes espérances.
N'hésitez pas à me dire si vous l'avez aimé, en laissant un message sur ce post...
La couverture :
Présentation :
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24/11/2008
Être Jack London aujourd'hui
Je suis en train de lire une biographie de Jack London écrite par sa femme, Charmian London (Librairie Gallimard, 1927). On est à la toute fin du 19 ème siècle dans un monde en mutation et en crise (comme d'habitude), le chômage sévit déjà et l'industrialisation croissante n'offre pas des perpectives d'emploi très réjouissantes. Jack London alterne les emplois sûrs et aliénants d'usine avec des plongées revigorantes dans l'aventure. Sur un coup de tête, à cette époque, on pouvait partir sur la mer ou vers le Colorado et ses mines d'or. La compagnie du danger et de la mort était le prix à payer, mais pour un garçon robuste et débrouillard, ce prix était dérisoire en comparaison des trésors de souvenirs et d'aventures qu'il pouvait accumuler. De nos jours, les choses pourraient sembler plus difficiles, et l'aventure cantonnée aux agences de voyage spécialisées. En fait, je crois que partir à l'aventure est toujours aussi facile. Par contre, dans ce monde réduit en images pour spectateurs passifs, l'aventure est plus que jamais réservée à une élite. Cette élite ne se reconnaît ni par la fortune, ni par l'éducation, mais par son besoin impérieux de prendre les chemins de traverse et de voir au delà du monde visible. Quand le mystère et l'ombre découragent les biens rangés, l'aventurier se sent appelé... Tiens, je vais relire "L'appel de la forêt"...
22:37 Publié dans Grands thèmes littéraires et petites réflexions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jack london, aventure
11/09/2008
Quelques années de moins que la lune
"Quelques années de moins que la Lune" de l'écrivain italo-suisse Germano Zullo, c'est d'abord un beau titre, qui sent bon la nostalgie et la poésie à fleur de peau. C'est ensuite un beau roman à "épisodes" sur l'enfance de l'auteur, écrit dans une langue sobre et truculente à la fois. Un vrai plaisir de lecture en perspective pour adolescents à partir de 12 ans et pour adultes restés jeunes.
Je vous donne en extrait le premier "épisode":
[ TARENTELLA DELL' EMIGRANTE
Nous sommes italiens.
Cela doit être important car Madame P., notre voisine du dessus, ne cesse de le répéter sur tous les tons : "Ah! voilà les Italiens... C'est le petit des Italiens... La femme de l'Italien... Le mari de l'Italienne..."
Oui, nous sommes italiens. Notre village s'appellle Gioia Sannitica. Un véritable trou au pied de Monte Erbano, province de Caserta, à quelques kilomètres au nord de Napoli. Madame P. a aussi remarqué que les Italiens du dessous ne parlent pas italien, mais plutôt un genre de dialecte qui, d'après elle, ressemble à de l'arabe, sans doute du napolitain. En réalité, nous parlons le gioiese, puisque nous venons de Gioia. Si nous étions nés quelques kilomètres plus à l'est, à Faicchio, nous aurions parlé le faicchiano, et si nous étions nés quelques kilomètres plus au au sud, à Ruviano, nous aurions parlé le ruvianese. Une chose est sûre cependant pour Madame P. : nous parlons très mal le français.
Papa travaille chez M., une petite entreprise de ferronnerie d'art. Il lui a suffi de prouver qu'il savait souder pour obtenir l'emploi. Auparavant, Papa travaillait comme garçon de ferme, puis comme manoeuvre chez un important horticulteur de la région. Maman est arrivée en Suisse dix ans après Papa. Elle a fait des ménages, à droite, à gauche, chez des gens que je ne connais pas. Papa Maman s'occupent également de l'entretien de la résidence secondaire des N., une riche famille de la ville qui ne monte à la campagne que les jeudis et les week-ends. Nous habitons chez l'employeur de Papa. Un trois pièces juste au-dessus de la station-service BP à Jussy. J'adore l'odeur de l'essence.
Maman est enceinte. J'aimerais avoir un petit frère. Il porterait le nom de Salvatore. L'an dernier, Maman a fait une fausse-couche, c'étai aussi un petit frère. Je voulais qu'il s'appelle Angelo. D'aprèsMaman, c'est de la faute de la doctoresse si on a perdu l'enfant. Elle serait arrivée trop tard, et n'aurait fait que de favoriser le malheur, en forçant Maman à expulser le foetus dans la cuvette des toilettes. D'après Maman, le foetus possédait une belle chevelure de couleur noire.
Maman ne retournera plus chez la doctoresse. Nous continuerons de faire confiance au vieux médecin du village, le docteur A., bientôt centenaire, mais toujours en activité. La police vient de lui retirer son permis de conduire, car il confond systématiquement les fossés avec la chaussée. Mais sa main reste très sûre. Je manque de vitamines et tous les lundis le docteur A. me fait une piqûre de calcium dans les fesses. Il insiste à chaque fois beaucoup pour ausculter d'un coup toute la petite famille. Ses précieux services ne nous coûtent presque rien.
Mais la première chose dont je me souviens après être né, c'est la voix de la sage-femme qui dit bambino ; c'est le goût d'olive du lait de Maman ; c'est le contact des mains calleuses de Papa sur ma poitrine ; c'est l'odeur du printemps par la fenêtre ; c'est le rythme chevrotant d'une tarentelle ; c'est un compartiment de train enfumé ; c'est le vacarme d'une grande ville l'après-midi ; c'est les chiens errants qui prennent possession de la rue quand la nuit arrive ; c'est la douce lumière d'une bougie en forme de bouteille ; c'est le regard mystérieux de mon grand-père ; c'est la tristesse du Volturno ; c'est le vent qui appelle l'ombre des grands arbres ; c'est le froid d'une chaînette en or autour de mon cou ; c'est l'étrange forêt que je découvre en moi lorsqu'on me laisse seul. ]...
Germano Zullo, Quelques années de moins que la Lune, éditions La joie de Lire, 97 pages.
23:50 Publié dans Extraits de livres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : germano zullo, rétroviseur, la joie de lire
12/08/2008
La côte d'Azur
Ce conte pour enfant a remporté le concours organisé par l'auteur jeunesse Laurence Gillot et figure dans L'Est Magazine numéro 427 du dimanche 24 juin 2007, un supplément de L'est Républicain.
Prochainement sur cette page avec les belles illustrations qui l'accompagnaient...
16:59 Publié dans Mes contes à lire | Lien permanent | Commentaires (0)
Le secret du vent
Encore un conte sélectionné à Fontenoy-la-Joute. Cette fois-là c'était les nouveaux Charles Perrault.
Le secret du vent
(conte pour petits et grands)
Il chuta si soudainement que ses cheveux se dressèrent sur sa tête — sous le seul effet de l’accélération verticale, bien entendu, car il était hors de question qu’il pût avoir jamais peur. Par chance, il tomba dans un arbre où son vieux coucou fracassa quelques branches avant de se disloquer jusqu’au dernier boulon. Jim — tel était le surnom de cet aventurier — se retrouva quelques instants étourdi, accroché par la ceinture à une branche, où il fut loisible de le détailler. Il était chaussé de bottes en cuir d’où émergeait, en bouffant un peu, un pantalon de toile beige, serré à la taille par la ceinture dont nous avons déjà parlé, ceinture de cuir épais qui avait laissé échapper les pans froissés d’une chemise crème ; enfin, il portait de grosses lunettes d’aviateur qu’il ne quittait jamais parce qu’elles lui donnaient un genre.
Quand il reprit ses esprits, la première chose qu’il vit fut l’hélice de son avion qui tournait encore, fichée au bout d’une branche, juste devant son nez. Il commençait à s’en désoler quand une chose très curieuse vint captiver toute son attention : les feuilles de l’arbre qui l’avait recueilli étaient rousses... Comme il avait les mains libres, il en prit une et constata qu’elle était sèche et friable comme une feuille morte. On était au printemps et l’arbre aurait dû porter de tendres feuilles vertes. Cela étant, il n’eut pas le temps de réfléchir plus longtemps à ce mystère car la branche qui le soutenait cassa et l’envoya rouler dans l’herbe, où il se retrouva assis, en face d’une chose pour le moins bizarre : des oiseaux, pareils à ceux qu’on entend habituellement piailler dans les branchages, s’enfuyaient sur l’herbe rase de la colline en sautillant ridiculement. Il les poursuivit à quatre pattes, en attrapa un tout tremblant et qui lui parut avoir des ailes bien développées. Il l’envoya en l’air... L’oiseau battit frénétiquement des ailes, ce qui ne l’empêcha pas de retomber dans l’herbe comme une pierre. Furieux d’avoir été pris et malmené, il se mit à piailler après notre ami. Enfin, ayant dit tout ce qu’il pensait, il pivota sur ses petites pattes et partit en sautillant. Jim le regarda s’éloigner, de plus en plus sceptique.
Il y avait un village au pied de la colline, et il décida d’aller s’y renseigner sur tous ces mystères. En chemin, il croisa un corbeau qui marchait les ailes dans le dos, en balançant son buste comme un homme soucieux en train d’arpenter ses idées. Il quitta des yeux ce singulier personnage pour voir arriver à sa rencontre toute une troupe de villageois surexcités. Le meneur, un petit homme rond comme une barrique, parla le premier sans lui laisser le temps de la réplique.
— Rien de cassé ? On a vu arriver l’avion mais il était trop tard pour vous prévenir. Quelle chute ! mon pauvre ami. Si l’on avait su... Mais comment savoir ? Il ne vient jamais personne dans nos contrées. À part, bien sûr, quand il vient quelqu’un. Je me présente : Monsieur le Maire, élu à la majorité pour ses compétences, mais aujourd’hui, tellement impuissant face à la situation. Pourtant...
— Mais, enfin, que se passe-t-il ici ? coupa Jim.
— Mais, monsieur, le plus grand des malheurs , et vous voudrez bien parler plus fort car l’air répond mal.
— Hein ?
— Oui, monsieur, nous n’avons plus de vent. L’air ambiant est devenu lâche et mou. Il se dérobe, s’alanguit, n’a plus de force.
Il mima un long soupir.
— Nous sommes désespérés.
Jim mit les mains sur ses hanches en considérant les gens qui entouraient le maire. Ils acquiesçaient tous de la tête avec des mines pitoyables.
— Je m’appelle Jim, je suis un aventurier et je veux bien vous aider. Pour quelle raison le vent est-il tombé ?
— En tant que Maire...
— Allez au fait.
— Nous n’en savons rien.
— Quand est-ce arrivé ?
— L’année dernière, au début de l’automne. Vous avez dû vous apercevoir que les feuilles mortes sont restées accrochées aux arbres.
— Oui, je l’ai constaté, mais, finalement, à part cette fâcheuse impression d’automne, quel autre désagrément cela a-t-il entraîné ?
— Mais, Monsieur Jim, vous n’imaginez pas les conséquences que cela peut avoir ?
— Les oiseaux ont l’air les plus embêtés.
— Vous ne vous rendez pas compte. Levez la tête, regardez dans le ciel, que voyez-vous ?
— Un gros nuage blanc magnifique.
— Oui, oui... mais il cache le soleil... depuis six mois !
— C’est fâcheux.
— C’est catastrophique, vous voulez dire ! Les récoltes vont être compromises ! Et ce n’est pas tout. Le moulin à vent est inutilisable ; le linge met des mois à sécher ; les enfants n’arrivent plus à faire décoller leurs cerfs-volants ; aux anniversaires, les gens s’époumonent pour souffler les bougies... et j’en passe.
— Il a dû se passer quelque chose, avez-vous des soupçons ?
— Oui, cela est arrivé après le passage du colporteur qui vient de la ville une fois par an. Nous le lyncherons à coup sûr s’il ose revenir, ce maudit !
— Qu’a-t-il apporté de la ville ?
— Une multitude d’objets que nous avons brûlé pour conjurer le mauvais sort ; mais rien à faire, la malédiction était dans ses mots. Le vent de par chez nous a du caractère, mais il est très influençable. Ce marchand raconteur de boniments lui aura fait tourner la tête. Maintenant, comment savoir ? Comment réparer ?
— Je vais aller lui parler, dit Jim. Où est-il ce vent si sensible à la parole des hommes ?
— Il s’est retiré au sommet de cette vieille tour que vous voyez là-bas. Mais n’y allez pas, il serait capable de vous basculer dans le vide.
— Il l’a déjà fait et je m’en suis sorti. D’ailleurs, à ce propos, j’ai deux mots à lui dire.
Et Jim partit d’un pas décidé vers la tour, ne pouvant pourtant s’empêcher d’entendre dans son dos des propos peu rassurants.
— C’est un fou !
— Il va à la mort !
— Monsieur le Maire, accompagnez-le donc !
— Euh... c’est son idée, après tout.
— Lâche !
— Qui a dit ça ? Qui ?
— Regardez ! L’étranger est arrivé au pied de la tour.
Au même moment, Jim disparut par une porte et, bientôt, on le vit apparaître au sommet de la tour crénelée où, visiblement, il n’y avait personne d’autre. Il y était arrivé par un escalier de bois en colimaçon qui n’attendait qu’une occasion pour s’écrouler. Avant d’émerger à l’air libre, il avait dû soulever une trappe en bois, si lourde qu’elle lui parût de plomb, comme si quelqu’un eut pesé dessus. Le vent était là qui fouettait les vêtements de Jim et tirait ses cheveux en arrière, les faisant ressembler à un oriflamme. L’air sifflait dans ses oreilles et l’assourdissait, et des larmes lui seraient venues aux yeux s’il n’avait eu des lunettes hermétiques.
— Holà ! Vent !... Bourrasque ! Tempête ! Quel que soit ton nom qui change au gré de tes humeurs, ne mens pas : c’est par contrainte que tu t’obliges à rester dans cette retraite, toi le plus libre des éléments.
Le vent resta sourd aux paroles de Jim et redoubla de fureur. Alors, notre intrépide ami essaya autre chose.
— Je sens que tu souffres. Confie-moi ta peine. Je te donne ma parole, personne n’en saura rien. Nous nous connaissons bien tous les deux. Je suis l’aventurier, tu es le souffle de l’aventure. C’est toi, il y a bien longtemps, qui, m’apportant les effluves de mondes inconnus, fit de moi ce que je suis. Tu peux avoir confiance et je puis t’aider ...
À ces mots, le vent, changeant d’idée, s’engouffra dans une vieille armure, qu’il anima de sa force et fit se redresser. Il parla alors avec toute la naïveté et la simplicité de son coeur d’une voix métallique et plaintive :
— La fille du meunier, aux cheveux d’or, si légers, si fins, si longs et conciliants quand ils sont dénoués, d’elle je suis amoureux en secret et, quand je peux jouer avec ses cheveux et les caresser à ma guise, je suis heureux. Mais le colporteur a apporté avec les nouvelles de la ville celle qui fait mon malheur. La mode aurait, dit-on, changée et il ne convient plus aux filles d’avoir les cheveux libres mais, au contraire, tressés si savamment que cela forme comme une carapace pour mes doigts si légers. Alors, j’ai l’impression qu’elle ne m’aime plus, qu’elle se refuse.
— Mais, sais-tu au moins si elle t’a jamais aimé ? lui demanda Jim, sans prendre garde à la cruauté de sa question.
— Q’importe ce souci d’humain si je peux rêver qu’elle m’aime. L’amour n’est-il pas un rêve ?
— J’avoue que... enfin, personnellement... C’est une question ? demanda Jim, embarrassé.
— Non, c’est une vérité, dit le vent en penchant vers le sol le heaume qui lui servait de tête. Mais le rêve a besoin de ces petits signes librement interprétables qu’on appelle des illusions. Et là, vois-tu, mon ami, je ne me fais plus d’illusions. Le vent est tombé et il n’est pas prêt de se relever. C’est cela aussi l’amour.
— Toi, pensa Jim, qui ne connaissait pas le renoncement, tu ne t’en sortiras pas avec des jeux de mots. Ma foi, dit-il tout haut, tout ceci est honorable mais on croirait la morale d’un conte fort triste, et je n’aime pas cela. Je vais arranger la chose. Mon vieux, ça ne peut pas continuer comme ça. Ça n’est pas raisonnable de précipiter au sol tout ce qui vole. Ne souffle pas ! c’est vrai ce que je dis, ou plutôt non, prépare toi à souffler... mais à bon escient.
Quand Jim rejoignit le petit groupe, qui bruissait de questions, il avisa une belle jeune fille blonde qu’il identifia aussitôt.
— Que s’est-il passé ? dirent les uns.
— Qu’a-t-il ? dirent les autres.
— Est-il bête ce vent pour jouer ainsi les sensibles ? dit la jeune fille aux cheveux couleur des blés.
— Non, mademoiselle, et vous saurez qu’un jour ou l’autre, on est tous sensible à quelque chose qui en vaut la peine. Pour l’instant, vous-même, vous n’êtes sensible qu’à la mode, si j’en crois le soin avec lequel vos cheveux imitent les entrelacs qui furent en vigueur il y a quelque temps...
— Que dites-vous là ? La mode aurait-elle changé ? s’étonna la jeune fille.
— Comment ! vous ne le saviez pas ? fit Jim avec un air de préciosité. Mais mademoiselle, la mode est au cheveux libres...
— Mon Dieu ! s’exclama la jeune fille, en portant les mains au-dessus de sa tête.
Elle retira quelques épingles habilement dissimulées et passa ses doigts fins dans ses cheveux. À peine les eut-elle dénoué, qu’une saute de vent joyeuse s’en saisit et amena le rire sur ses lèvres. Le soleil, doucement démasqué, apparut dans toute sa splendeur ; les oiseaux, portés par un air revivifié, se précipitèrent dans le ciel ; la joie revint dans la petite vallée et les villageois jetèrent leurs chapeaux très haut en criant des “hourras !”.
Jim en profita pour s’esquiver car les aventuriers n’aiment pas les adieux. Sur le chemin, tandis qu’une troupe d’oiseaux reconnaissants voletait autour de lui, il se mit à réfléchir sur ce sentiment qu’on appelle l’amour, sur la noblesse du vent, et sur l’étrange pouvoir des jeunes filles.
FIN
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