18/05/2007
"Le maître de Hongrie" de Marcel Jullian (extrait)
[...] Clotilde est autre que toutes, puisque mienne. Plus je m'éloigne d'elle, vers ce soleil droit devant nous, plus je la sais présente. Des mots me viennent que, oncques, ne lui ai dits. Elle paraît si unie, si lisse qu'on la cuiderait sans nulle crainte ni doute. Des deux quand le chagrin me prend, elle est pourtant la plus ferme et la plus douce. Elle sait, de longtemps, que les nues d'orage finissent par passer. Elle est fière, et résignée à l'être. La force est en elle. Elle se sait de race, le veut, s'en réjouit, mieux, s'en satisfait. Fille d'un charpentier, elle pourrait l'être d'un duc. Donc, elle l'est. Devant elle, même à présent que j'ai couru les chemins et vilainement morfondu de mes mains, riche des discours du joachiniste et des conseils de Guillaume, ayant connu force pleurs et dépit, sachant sur notre Sire Philippe mille vérités qu'elle n'imaginerait point, je suis manant et elle est reine. D'où tient-elle sa maistrie ? Pourtant, je puis suivre un fol, un saint, un trufeur ou une étoile. Elle aussi peut-être, mais sans jamais tout à fait y croire. Est-elle, déjà et pour longtemps, dédiée ? Quelle mixture a t-elle bue ? À Orbec, souventes fois, j'ai voulu l'interroger et j'y renonçai. Elle est née derrière l'aubépine et je sais tout d'elle. Sauf elle. Parfois, je me convaincs qu'elle est simple et que c'est moi, seul, qui la fais princesse, vouloir, hauteur. Et si elle avait fêlure que je n'aurais point vue ? Si elle désirait geste que je n'aie pas fait, parole que je n'aie pas dite ? Ah ! Clotilde ! Pourquoi faut-il que je ne te sache point ou que tu veilles tant à n'être sue de personne ? [...]
Extrait : "Le maître de Hongrie" de Marcel Jullian (Prix Ulysse du roman populaire)
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